Article paru dans la rubrique «Désinvité» de l’Antipresse n° 250 du 13/09/2020.
Jacques Baud est un ex-officier du renseignement de l’armée suisse avec le grade de colonel. Il est expert en armes chimiques et nucléaires et a été très actif pour l’ONU dans les opérations de maintien de la paix et de déminage. Son dernier livre vient de paraître et il est explosif !
«La liberté d’opinion est une farce si l’information sur les faits n’est pas garantie et si ce ne sont pas les faits eux-mêmes qui font l’objet du débat.»
Hannah Arendt, La Crise de la culture
Dès l’avant-propos de Gouverner par les Fake News. Conflits internationaux : 30 ans d’infox utilisées par les pays occidentaux (éd. Max Milo), l’auteur émet un constat amer sur le monde actuel et ses incohérences. Cause principale de ces dysfonctionnements selon lui ? Une information délibérément tronquée ou résultant d’une vision réductrice qui, quand elle n’est plus remise en question, devient une post-vérité. La réalité devient alors le produit d’une perception et non plus la résultante des faits objectifs. Le problème est que ces post-vérités conditionnent notre manière de voir les problèmes et de les résoudre. Cela nous conduit bien souvent à y apporter des solutions inadaptées avec des conséquences graves pour notre humanité. L’auteur adresse ainsi un vibrant plaidoyer pour le «doute raisonnable» et contre les suppositions érigées en certitudes, élément central du complotisme.
À travers presque 400 pages et plus de 2000 références basées sur des sources factuelles, vérifiées et accessibles, Jacques Baud nous ouvre ses cahiers de notes et nous fait bénéficier de ses trente années d’expérience dans l’analyse rigoureuse d’un ensemble de conflits internationaux: l’Iran, le terrorisme djihadiste, la guerre en Syrie (un tiers du livre), les attentats terroristes en France, la Russie, la crise ukrainienne, la cyberguerre et les tentatives d’ingérence, la Corée du Nord et le Venezuela.
Le lecteur y trouvera des informations très détaillées et sourcées sur des affaires où les fausses vérités sont encore colportées dans la plupart des médias de grand chemin. Citons quelques exemples comme l’origine d’Al Qaida, le gouvernement syrien accusé d’utiliser des armes chimiques, l’affaire Skripal (accusations d’un empoisonnement par la Russie) et le Russiagate (accusations d’une ingérence russe dans les élections présidentielles américaines).
Baud met soigneusement en évidence les fausses vérités disséminées par les gouvernements occidentaux qui, souvent incapables de résoudre leurs problèmes domestiques, se réfugient dans l’aventurisme militaire. Pour être lié, comme l’auteur, à la France par une part de ma famille, je retiens particulièrement l’analyse froide et sans concession des raisons des terribles attentats djihadistes en France et la volonté des dirigeants de cacher à leur peuple que ces attentats sont les conséquences directes de leur décision de frapper militairement l’État islamique en Irak puis en Syrie.
Seulement deux semaines après la parution du livre et l’interview de l’auteur sur la chaîne RT France par Frédéric Taddeï, quelques journalistes suisses en vue ont déjà tenté de justifier sur les réseaux sociaux pourquoi leur média respectif ne donnera sans doute pas la parole à Jacques Baud. A ne pas vouloir débattre des fausses vérités des gouvernements occidentaux, ils semblent ignorer qu’ils mettent en danger les bases mêmes de leur profession et de nos démocraties, comme le leur rappelle Hannah Arendt. Espérons pour le bien de toutes et tous qu’ils vont changer d’avis.
Richard Golay est ingénieur EPFL et conseiller communal à Épalinges.